De février à la fin mars 2021, Chemins de transition a organisé vingt-cinq ateliers de codesign qui ont rassemblé plus de trois-cents personnes autour d’un objectif commun : imaginer des modes d’habiter les plus souhaitables possible dans un contexte de transition écologique, à la fois sobres et résilients, et adaptés à la diversité des régions québécoises. À partir de quatre scénarios-déclencheurs, les participantes et les participants ont identifié des éléments souhaitables et redoutables pour le futur du Québec. Dans ce billet, nous vous présentons un résumé des éléments identifiés pour chaque scénario.
Les scénarios déclencheurs du défi Territoire
Les quatre scénarios déclencheurs ont été élaborés à partir d’une méthode d’analyse morphologique. Cette dernière explore de manière imagée les futurs possibles des modes d’habiter au Québec. À l’aide du diagnostic prospectif réalisé à l’étape 1, plusieurs composantes structurantes du système « territoire » ont été identifiées et regroupées en quatre grandes variables :
- La culture et la démographie
- L’économie et les ressources
- Le transport et l’énergie
- La gouvernance
L’équipe a ensuite attribué plusieurs hypothèses d’évolution à chaque variable. C’est la combinaison de ces hypothèses qui crée la trame de base des scénarios, rédigés en équipe lors d’une séance créative !
Les scénarios-déclencheurs ont ainsi été construits à partir du tableau morphologique suivant :
Les quatre scénarios présentés sont alimentés par les connaissances scientifiques recensées lors de la revue de littérature préalable et la consultation d’une cinquantaine d’expertes et experts. Toutefois, ils ne sont pas prédictifs, mais exploratoires. Ils avaient pour objectif de présenter quatre versions du futur en transition contrastées, à différents endroits du Québec et dans différentes situations de vie. Le but était de stimuler l’imagination des participantes et participants et d’ouvrir le débat sur des trajectoires désirables… ou redoutables !
Pour lire l’intégralité des quatre scénarios déclencheurs, voir l’onglet Futur souhaitable dans le bas de la page du défi
Les villes intelligentes à la rescousse
Dans ce scénario, les mesures d’adaptation aux changements climatiques et les politiques de transition socio-écologique sont menées tambour battant par les municipalités du Québec qui ont largement gagné en responsabilités. D’un territoire à un autre, le niveau d’engagement public dans la transition, les services aux citoyennes et citoyens et de facto, les modes de vie des habitantes et habitants, sont très diversifiés.
Les éléments souhaitables
- Des milieux de vie permettant l’accès à des services de proximité
- Une fiscalité municipale solidaire et environnementale
- Une mobilité active et partagée
- Une place accrue aux espaces végétalisés dans les zones bâties
Les éléments redoutables
- Privatisation de services locaux
- Persistance de l’étalement urbain et pertes de zones agricoles
- Création de bulles sociales communautaires
- Inégalités entre municipalités et abandon des plus fragiles
Le scénario a permis d’ouvrir le débat sur le niveau de décentralisation souhaitable vers l’échelon municipal pour conduire une transition juste, ou sur l’intérêt de densifier les espaces urbains et jusqu’où. La place de la technologie dans la transition des territoires (recours aux véhicules électriques autonomes et à l’intelligence artificielle pour choisir une municipalité où habiter) ainsi que la forme que prendrait un logement adapté à la transition écologique (peut-on garder des logements spacieux même s’ils sont éco efficaces ? Partager sa maison avec ses enfants et ses parents est-il désirable ?) ont suscité des désaccords.
Une batterie de communautés sobres
Cette histoire se déroule dans un village rural du Québec où la gestion des ressources, des services locaux et de la vie communautaire ont été pris en main par les habitantes et habitants à l’échelle locale. Le collectif et la recherche d’autonomie locale sont prégnantes. Toutefois, du fait du désengagement du gouvernement provincial et de la stratégie d’exportation de l’hydroélectricité aux Etats-Unis, la communauté vit en état de sobriété plus ou moins volontaire.
Les éléments souhaitables
- Mobilisation forte des citoyens et citoyennes et gestion collective du milieu de vie
- Des valeurs fortes de solidarité, d’entraide et d’accueil
- Des modes de vie fondés sur le partage et la sobriété
- Autonomie alimentaire, production locale et de saison
Les éléments redoutables
- Trop de désengagement de l’État : risque de repli sur soi (autarcie)
- Situations critiques sur des besoins essentiels (insécurité alimentaire et énergétique)
- Manque d’infrastructures collectives
- Pratiques de démocratie locale imparfaites
Ce scénario a fait débat parmi les participantes et participants. Si les enjeux de ralentissement des modes de vie, d’autogestion citoyenne et de rapprochement des besoins avec les capacités des écosystèmes locaux semblaient désirables pour certains, d’autres ont trouvé que ces modes d’organisation étaient trop collectifs, ne laissant pas de place à l’individualité (par exemple sur l’habitat). Par ailleurs, la perte de diversité alimentaire et l’obligation de couper le chauffage l’hiver ont été jugés comme étant des renoncements trop graves, surtout s’ils devaient être réalisés pour permettre l’exportation d’électricité aux États-Unis.
Circularité numérique
Dans ce Québec de 2040, l’organisation des territoires est profondément transformée par des politiques proactives et intégrées d’économie circulaire. La province mise sur l’électrification, la mutualisation des services et des espaces et la réindustrialisation de son économie. Les outils numériques sont au cœur de l’optimisation des usages des ressources, la localisation des emplois et des milieux de vie et l’allocation des fonds publics. Malgré ce tournant majeur dans les stratégies économiques et les politiques publiques, les valeurs et modes de vie se sont relativement peu transformés.
Les éléments souhaitables
- Stratégies provinciales d’économie circulaire : réindustrialisation, reconditionnement et recyclage
- Cibles d’autosuffisance énergétique, matérielle et alimentaire
- Concentration des commerces et services autour des dessertes de transport en commun
- Proximité des services
Les éléments redoutables
- Pas suffisamment de réduction des besoins de consommation
- Proximité, cause de fortes nuisances et conflits d’usages locaux
- Concentration à l’origine de l’émergence de « méga projets »
- Construction de nouveaux barrages hydroélectriques et non-respect des droits autochtones
- Expropriation de personnes
La nécessité de transformer les modèles économiques et l’aménagement territorial pour favoriser la proximité et des synergies est assez consensuelle. Les nuisances ou conflits d’usages que de telles stratégies pourraient causer, et éventuellement leur poids démesuré sur les groupes les plus socialement fragiles, ont suscité beaucoup d’échanges. De même, la plus-value de s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour conduire ces changements n’a pas fait consensus parmi les groupes.
La nature au cœur du Québec
Dans ce scénario, le Québec fait de la protection de la nature et de ses ressources une priorité forte, mais aussi un avantage concurrentiel à l’échelle internationale. Ses paysages préservés attirent de nombreux touristes. Quant à l’extraction minière et forestière par de grandes industries, elle est scrupuleusement encadrée. De grandes parties des régions peu denses deviennent des aires naturelles protégées tandis que les habitantes et habitants se concentrent en métropole ou dans des cœurs de villages densifiés.
Les éléments souhaitables
- Réglementation environnementale stricte autour de l’exploitation de ressources naturelles
- Un espace important laissé aux écosystèmes
- Une nouvelle vision de la nature : octroi d’une personnalité juridique, découpage en biorégions
- Des pratiques répandues de cohabitat et de solidarité intergénérationnelle
Les éléments redoutables
- Exploitation des hydrocarbures nordiques
- Dépendance économique aux multinationales
- Échec de la mise en place d’un réseau de transport en commun dans les régions peu denses
- Des territoires abandonnés par leurs habitantes et habitants, et laissés aux touristes et à l’extraction
De manière consensuelle, le paradigme de conservation des écosystèmes en excluant toute présence humaine, basée sur un dualisme société/nature, ne semblait pas approprié. Si plusieurs personnes jugeaient désirable la concentration de personnes dans certaines zones, la majorité trouvait regrettable la présence de villages fantômes dans les régions peu denses. Ce scénario a permis aux participantes et participants de s’interroger sur ce que serait une gestion des ressources naturelles et des modèles économiques compatibles avec la transition écologique. La question du tourisme et de la mobilité internationale notamment ont également provoqué des discussions.
La vision du futur souhaitable sera disponible cet automne. Vous ne voulez pas la manquer? Inscrivez-vous à notre infolettre ou suivez-nous sur Twitter et Linkedin !